Poésies
ZE FOFO :: Thème : Quel temps pour soi? :: Séquence 3 Prendre son temps :: Séance 2 L'art de perdre son temps :: Activité 2
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Poésies
Théophile Gautier, Premières Poésies, « Albertus », « Far-niente », 1832.
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pend au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Nicolas BOILEAU, Le Lutrin, « L’éloge de la mollesse ». (Extraits)
A ce triste discours, qu'un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève,
Ouvre un oeil languissant, et, d'un faible voix,
Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois :
O Nuit ! que m'as-tu dit ? quel démon sur la terre
Souffle dans tous les coeurs la fatigue et la guerre ?
Hélas ! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps,
Où les rois s'honoraient du nom de fainéants,
S'endormaient sur le trône, et me servant sans honte
Laissaient leur sceptre aux mains d'un maire ou d'un comte !
Aucun soin n'approchait de leur paisible cour :
On reposait la nuit, on dormait tout le jour.
Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faisait taire des vents les bruyantes haleines,
Quatre boeufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
Victor HUGO, Les Orientales, « Sara la baigneuse » (Extraits)
Sara, belle d'indolence,
Se balance
Dans un hamac, au-dessus
Du bassin d'une fontaine
Toute pleine
D'eau puisée à l'Ilyssus 1
(…)
Reste ici caché : demeure !
Dans une heure,
D'un œil ardent tu verras
Sortir du bain l'ingénue,
Toute nue,
Croisant ses mains sur ses bras.
(…)
Mais Sara la nonchalante
Est bien lente
A finir ses doux ébats ;
Toujours elle se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas :
« Oh ! si j'étais capitane,
Ou sultane,
Je prendrais des bains ambrés,
Dans un bain de marbre jaune,
Près d'un trône,
Entre deux griffons dorés !
(…)
« Puis, je pourrais, sans qu'on presse
Ma paresse,
Laisser avec mes habits
Traîner sur les larges dalles
Mes sandales
De drap brodé de rubis. »
(…)
Et cependant des campagnes
Ses compagnes
Prennent toutes le chemin.
Voici leur troupe frivole
Qui s'envole
En se tenant par la main.
Chacune, en chantant comme elle,
Passe, et mêle
Ce reproche à sa chanson :
— Oh ! la paresseuse fille
Qui s'habille
Si tard un jour de moisson !
Juillet 1828.
1.Fleuve de Grèce, dans la région d'Athènes
Jacques PREVERT, Histoires ; « Il faut passer le temps ».
Il faut passer le temps
On croit qu’il est facile
De ne rien faire du tout
Au fond c’est difficile
C’est difficile comme tout
Il faut passer le temps
C’est tout un travail
Il faut passer le temps
C’est un travail de titan
Du matin au soir
Je ne faisais rien
Rien
Ah! quelle drôle de chose
Du matin au soir
Du soir au matin
Je faisais la même chose
Rien
Je ne faisais rien
J’avais les moyens!
Ah, quelle triste histoire
J’aurais pu tout avoir
Oui, ce que j’aurais voulu
Si j’avais voulu
Je l’aurais eu
Mais je n’avais envie de rien
Rien
(…)
Jacques Prévert, "Histoires", 1946
Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT, Œuvres ; « Le Paresseux ».
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.
Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.
Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,
Et hais tant le travail, que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pend au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Nicolas BOILEAU, Le Lutrin, « L’éloge de la mollesse ». (Extraits)
A ce triste discours, qu'un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève,
Ouvre un oeil languissant, et, d'un faible voix,
Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois :
O Nuit ! que m'as-tu dit ? quel démon sur la terre
Souffle dans tous les coeurs la fatigue et la guerre ?
Hélas ! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps,
Où les rois s'honoraient du nom de fainéants,
S'endormaient sur le trône, et me servant sans honte
Laissaient leur sceptre aux mains d'un maire ou d'un comte !
Aucun soin n'approchait de leur paisible cour :
On reposait la nuit, on dormait tout le jour.
Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faisait taire des vents les bruyantes haleines,
Quatre boeufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
Victor HUGO, Les Orientales, « Sara la baigneuse » (Extraits)
Sara, belle d'indolence,
Se balance
Dans un hamac, au-dessus
Du bassin d'une fontaine
Toute pleine
D'eau puisée à l'Ilyssus 1
(…)
Reste ici caché : demeure !
Dans une heure,
D'un œil ardent tu verras
Sortir du bain l'ingénue,
Toute nue,
Croisant ses mains sur ses bras.
(…)
Mais Sara la nonchalante
Est bien lente
A finir ses doux ébats ;
Toujours elle se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas :
« Oh ! si j'étais capitane,
Ou sultane,
Je prendrais des bains ambrés,
Dans un bain de marbre jaune,
Près d'un trône,
Entre deux griffons dorés !
(…)
« Puis, je pourrais, sans qu'on presse
Ma paresse,
Laisser avec mes habits
Traîner sur les larges dalles
Mes sandales
De drap brodé de rubis. »
(…)
Et cependant des campagnes
Ses compagnes
Prennent toutes le chemin.
Voici leur troupe frivole
Qui s'envole
En se tenant par la main.
Chacune, en chantant comme elle,
Passe, et mêle
Ce reproche à sa chanson :
— Oh ! la paresseuse fille
Qui s'habille
Si tard un jour de moisson !
Juillet 1828.
1.Fleuve de Grèce, dans la région d'Athènes
Jacques PREVERT, Histoires ; « Il faut passer le temps ».
Il faut passer le temps
On croit qu’il est facile
De ne rien faire du tout
Au fond c’est difficile
C’est difficile comme tout
Il faut passer le temps
C’est tout un travail
Il faut passer le temps
C’est un travail de titan
Du matin au soir
Je ne faisais rien
Rien
Ah! quelle drôle de chose
Du matin au soir
Du soir au matin
Je faisais la même chose
Rien
Je ne faisais rien
J’avais les moyens!
Ah, quelle triste histoire
J’aurais pu tout avoir
Oui, ce que j’aurais voulu
Si j’avais voulu
Je l’aurais eu
Mais je n’avais envie de rien
Rien
(…)
Jacques Prévert, "Histoires", 1946
Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT, Œuvres ; « Le Paresseux ».
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.
Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.
Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,
Et hais tant le travail, que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.
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