Groupement de textes
ZE FOFO :: Thème : Quel temps pour soi? :: Séquence 1 Représentations du temps :: Séance 3 Expériences du temps
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Groupement de textes
• Document 1
Le 16 juillet 1962, le spéléologue Michel Siffre expérimente une vie souterraine de deux mois. Il est coupé de tout repère temporel. Une ligne téléphonique lui permet de joindre une équipe de scientifiques qui notent les heures de ses réveils et de ses repas.
Michel Siffre, 23 ans, est venu à bout d’une expérience scientifique capitale pour une discipline alors balbutiante : la chronobiologie1. Durant 60 jours, le jeune géologue niçois est resté dans les ténèbres, confiné à 110 mètres de profondeur, sans montre ni poste de radio. Des conditions qu’il a imaginées pour étudier les réactions physiologiques et l’évolution du rythme veille-sommeil en l’absence de tout repère temporel. Son seul lien avec le monde extérieur : une ligne téléphonique.
Le protocole de l’expérience était simple : Michel Siffre appelait à chaque réveil, repas, coucher. Sans lumière ni contrainte sociale, il ne mangeait et dormait que quand il en ressentait le besoin.
Le 16 juillet 1962, après avoir remis sa montre aux CRS et à ses amis spéléos chargés de veiller sur lui depuis une tente plantée à 2.000 mètres d’altitude, Michel Siffre s’enfonce dans les entrailles du gouffre. Deux mois durant, il va vivre dans l’opacité, le froid, et cette humidité glaciale qui se condense dans sa tente de soie rouge, imprègne son duvet, son tapis de sol et ses vêtements. Il entre rapidement dans un état de semi-hibernation, perdant toute notion de l’alternance jour-nuit.
L’équipe de veille constate que son rythme biologique se décale : il se réveille et se couche un peu plus tard chaque jour, jusqu’à ce que son rythme s’inverse par rapport à celui de la surface terrestre, avant de revenir à la normale. Le spéléologue perd aussi la mémoire : ses anges gardiens l’entendent remettre jusqu’à dix fois de suite le même disque de Luis Mariano ! Lui pense chaque fois qu’il vient de le poser sur le pick-up. Le « soir », il ne se souvient pas de ce qu’il a mangé le « matin »… À sa sortie, le 14 septembre, il se croit le 20 août : le temps qu’il a perçu s’est écoulé deux fois moins vite que dans la réalité !
L’expérience débouche sur une découverte de portée universelle. Durant ces deux mois, il s’est réveillé toutes les 24 h 30, quelle qu’ait été la durée de ses temps de veille et de sommeil. Michel Siffre apporte ainsi la démonstration de l’existence chez l’être humain d’une « horloge » interne, qui impose un rythme de l’ordre de 24 heures – dit circadien – à l’organisme. Même sans repère temporel, ce rythme vital est respecté.
Éliane Patriarca, « L’expérience incroyable d’un géologue qui a prouvé l’existence de notre horloge circadienne », Sciences et Avenir, hors-série n°203 daté octobre/décembre 2020.
1. Science qui étudie l’organisation temporelle des organisme vivants.
• Document 2
Le Parfum, sous-titré Histoire d'un meurtrier est un roman historique de Patrick Süskind publié en 1985. Le Parfum, c’est l’histoire de Jean-Baptiste Grenouille, un orphelin, un laissé pour compte qui s’accroche à la vie, envers et contre tous et qui possède un odorat hors du commun mais ne possède lui-même aucune odeur, ce qui le fait passer pour inexistant aux yeux des autres. Sa vie entière sera vécue dans l’incertitude et la violence, avec pour seul but la création du parfum parfait.
Près de l’endroit où suintait un peu d’eau, il découvrit une petite galerie naturelle qui en décrivant plus d’une étroite sinuosité, s’enfonçait dans la montagne et, au bout de trente mètres environ, se terminait par un éboulement. Cette extrémité de la galerie était tellement exiguë que Grenouille touchait le roc de ses deux épaules et qu’il ne pouvait s’y tenir debout que courbé. Mais il pouvait s’y tenir assis et, en se mettant en chien de fusil, il pouvait même s’y étendre. Cela suffisait parfaitement à son besoin de confort. Car l’endroit présentait d’inappréciables avantages : au bout de ce tunnel, il faisait nuit noire même en plein jour, il y régnait un silence de mort, et l’air exhalait une fraîcheur humide et salée. Grenouille flaira tout de suite que jamais être vivant n’avait pénétré en ce lieu. Tandis qu’il en prenait possession, il se sentit intimidé par une sorte d’horreur sacrée. Il étendit soigneusement sur le sol sa couverture de cheval, comme s’il drapait un autel, et s’y coucha. Il se sentait divinement bien. Dans la montagne la plus solitaire de France, à cinquante mètres sous terre, c’était comme s’il gisait dans sa propre tombe. Jamais de sa vie il ne s’était senti aussi en sécurité. Même pas dans le ventre de sa mère, loin de là. Au-dehors, le monde pouvait flamber, ici il ne s’en apercevrait même pas. Il se mit à pleurer en silence. Il ne savait qui remercier de tant de bonheur.
Par la suite, il ne sortit plus à l’air libre que pour lécher la roche humide, pour lâcher rapidement son urine et ses excréments, et pour chasser des lézards et des serpents. De nuit, ils étaient faciles à attraper, car ils étaient tapis sous des cailloux plats ou dans de petites anfractuosités où il les découvrait à l’odeur.
Au cours des premières semaines, il monta encore quelquefois jusqu’au sommet, pour renifler aux quatre coins de l’horizon. Mais bientôt, ce fut plus une habitude fastidieuse qu’une nécessité, car pas une seule fois il ne flaira la moindre menace. Aussi finit-il par renoncer à ces excursions, uniquement soucieux désormais de regagner sa crypte aussi vite que possible, dès qu’il s’était acquitté des gestes indispensables à sa survie. Car c’est là, dans la crypte, qu’il vivait pour de bon. C’est-à-dire qu’il y restait assis vingt bonnes heures par jour, dans l’obscurité complète, le silence absolu et l’immobilité totale, sur sa couverture de cheval au fond de son boyau de pierre, le dos calé contre l’éboulis, les épaules coincées entre les rochers, et se suffisant à lui-même.
(…) C’est uniquement pour son propre plaisir personnel qu’il avait fait retraite, uniquement pour être plus proche de lui-même. Il baignait dans sa propre existence, que rien ne distrayait plus d’elle-même, et il trouvait cela magnifique. Il gisait comme son propre cadavre dans cette crypte rocheuse, c’est à peine s’il respirait, à peine si son cœur battait encore.... et il vivait pourtant avec une intensité et dans des débordements comme jamais viveur n’en connut de tels dans le monde extérieur.
Patrick Suskind, Le parfum (extrait)
Document 3
- Interview du champion du monde d'apnée, William Trubridge (extrait)
Selon vous, quels sont les avantages de l'apnée ? Que suggéreriez-vous à une personne qui débute dans la discipline ?
Les techniques et exercices que l’on pratique en apnée présentent d’immenses bienfaits pour la santé physique et mentale. Lorsqu'on se déplace sous l'eau en retenant notre respiration, les mouvements exécutés sont très doux pour le corps en termes d'impact. On peut le pratiquer toute sa vie sans se blesser, contrairement à d'autres sports.
C'est aussi une échappatoire en termes de santé mentale. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l’apnée nous éloigne des préoccupations liées au passé et à l'avenir. Il est nécessaire de s’accorder ces moments de répit de temps en temps, notamment dans un monde de plus en plus stressant. On peut y parvenir par le biais de la méditation, de la pleine conscience (ou mindfulness) et autres techniques, mais l'apnée est un moyen rapide et naturel de trouver la paix intérieure. De plus, il s'agit d'une expérience simultanée, puisqu'elle combine activité physique et relaxation mentale (…) Lorsqu’on on est sous l’eau, notre vraie nature se revele
https://www.orca.com/fr-fr/blog/will-trubridge-interview
- Interview de Vincent MATHIEU, Champion du monde d’apnée statique 2016 (extrait)
Durant l’immersion sous-marine, à quoi penses-tu ?
Tout va dépendre de la discipline que je pratique. En apnée statique, je ne pense pas. En effet, je suis concentré sur les battements de mon cœur pour tenter d’en contrôler le rythme et de le ralentir. Je visite mon propre corps pour tenter d’en comprendre son fonctionnement et ses subtilités. C’est de l’introspection à l’état pur.
Lors de plongée en profondeur, encore une fois, je ne pense pas. Je laisse la place à l’instinct et au plaisir… Surtout au Plaisir ! Je suis concentré sur le moment présent afin d’apprécier à sa juste valeur le cocktail sensoriel d’une intensité extraordinaire que nous offre l’océan.
Lors d’exploration, je suis tout simplement en contemplation. Encore une fois présent sur l’instant, mais cette fois afin de pouvoir apprécier les mystères, la beauté et la magnificence du monde sous-marin.
https://lepetitplongeur.fr/interview-vincent-mathieu/
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